LES INONDATIONS DE 1910

EN SEINE & MARNE

Presque chaque année, la Seine déborde de son lit. Mais des crues d'une importance exceptionnelle se sont déjà produites, à l'image de celle que la Seine et Marne et Paris ont connu en 1910

A la fin de janvier 1910, un désastre sans précédent s'est abattu sur notre beau département, répandant partout l'angoisse, l'épouvante, la ruine et aussi la mort
Nos lecteurs ont encore présents à la mémoire ces faits douloureux racontés au jour le jour par toute la presse. Ils savent avec quelle rapidité le fléau a monté, avec quelle rage il s'est répandu dans nos campagnes qu'il a ravagées, dans nos villes et nos villages qu'il a submergés, saccages
Dès le 20 janvier, le sud du département était menacé. La Seine, l'Yonne, le Loing et le Fusain débordaient. Nemours était entièrement sous les eaux ; Souppes l'était aux trois-quarts. Le 21, le petit hameau de Lorroy, dépendant de la commune de Château-Landon disparaissait sous l'éboulement d'une colline haute de 30 à 40 mètres. Cette colline, percée de galeries pour l'exploitation de la craie, avait glissé par suite d'infiltrations, et les quelques maisons du hameau avaient été englouties sous 20 000 mètres cubes de terre ; 7 morts et 6 blessés gisaient parmi les décombres
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A Saint Mammès le spectacle était grandiose et terrible, le bourg était totalement isolé, il y avait par endroits 2 mètres d'eau dans le rez-de-chaussée des maisons. Moret était en partie noyé. La Seine et le Loing avait marié leurs eaux dans une masse liquide qui s'étendait à perte de vue
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Moret-sur-Loing, le 21 janvier 1910 - Sauvetage de la famille Picard par MM. Gillon et Henry

L'Yonne avait accompagné le Loing dans cette ruée vers la ruine, et Montereau avait connu les affres de l'épouvante. La nuit du 22 au 23 avait marqué le début de l'invasion rapide de la ville. L'eau baisse un peu le 24, lorsque subitement le bruit se répand que le barrage des Settons a cédé et que le 23 millions de mètres cubes d'eau qu'il retient en amont vont s'abattre sur la vallée; et justement le niveau de l'eau monte. Alors c'est l'affolement. Il n'en est rien, le barrage n'avait pas cédé, mais combien sont coupables ceux qui répandent de pareils bruits ! L'eau d'habitude à 1.60 m était monté à 5.11 m
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Toute la vallée de la Seine est inondée. Melun menacé dès le 19 par une crue de l'Almont, est inondé le 20 par la Seine et l'Almont. Le quartier des Marais est un lac. L'eau monte et bientôt les quais disparaissent sous les eaux; dans les bas quartiers, il y en a 1.60 m. On circule dans beaucoup de rues qu'à l'aide de bateaux. Les trains qui d'abord subissaient un retard de 4 heures pour aller à Paris ne peuvent plus circuler à partir du 27; la voie est inondée du coté de Villeneuve-Saint-Georges
Montereau, le 26 janvier 1910. Grande Rue du Gâtinais
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Melun, pont de l'ancien Châtelet

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Meaux, le quai Thiers

A Melun l'eau atteint, le 26, la cote de 6.45 m; l'étiage normal étant de 2.85 M. La vallée de la Marne subit, elle aussi, un désastre. La Marne s'était fortement élevée, mais jusqu'au 23 janvier elle n'avait pas été bien menaçante. Elle était plutôt un objet de curiosité, un but pour les promeneurs; mais dans la nuit du dimanche au lundi, elle monte brusquement de 0.40 M et continue ainsi jusqu'au jeudi, où elle atteint la cote formidable de 6.207 m
Les quais de la ville de Meaux sont envahis, la ville est en partie submergée; dans le quartier de la Noue, il y a de l'eau jusqu'au premier étage des maisons. On déménage précipitamment. La troupe quitte la caserne inondée. L'eau furieuse bat le Pont du Marché dont certaines arches sont presque pleines jusqu'au sommet des voûtes. La passerelle de bateaux sombre
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Meaux, Pont du canal de Chalifert

 

Les autorités, les pompiers, les hussards, le génie sont sur les lieux. Des bruits sinistres courent la ville excitant la population énervée : il va falloir faire sauter une arche du pont, les vieux moulins vont s'effondrer sous la poussée des eaux et l'effort des épaves coincées sous les pilotis, une péniche lourdement chargée de grains va casser ses amarres (jusqu'à la fin de la crue, elle sera d'ailleurs une menace pour le pont). Heureusement, ces malheurs ne se produiront pas

Meaux, rue du Grand Cerf

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La Ferté-sous Jouarre, rue de Reuil

La Ferté-sous-Jouarre, Lagny, Pomponne, Chelle sont en danger. La grande usine de Noisiel est noyée.

Aussi loin que la vue s'étend, l'eau est maîtresse. Elle vient battre et miner le remblai de la ligne de l'Est; des travaux de consolidation pourront maintenir la circulation des trains.

Coulommiers, Couilly, Esbly sont sous les eaux de Grand Morin.

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La Ferté-sous-Jouarre, école communale des filles, pâtis de Rueil. - Lagny, le 26 janvier 1910.. Rue des Vieux Moulins

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Mouy-sur-Seine, 24 janvier 1910. Arrivéé des rescapés de Peugny et Neuvry.

Enfin, le vendredi 28, la baisse commence. Dans la vallée de la Seine, elle avait commencé la veille. Les eaux se retirent peu à peu, le cauchemar cesse. Des dommages énormes ont été causés par le cataclysme. Pour en donner une idée, rien n'est plus tristement éloquent que le tableau dressé par la Préfecture, aussitôt après le sinistre, pour le Conseil général. L'état général des pertes matérielles comprenait pour les arrondissement de

  • Melun, 15 communes ...................... 242 425 F
  • Fontainebleau, 35 communes ........ 2 357 862 F
  • Meaux, 36 communes ..................... 363 930 F
  • Provins, 18 communes .................... 237 705 F
  • soit pour 104 communes, sinistrés. 3 900 222 F
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Les pertes résultant du chômage étaient ainsi évaluées :

  • Arrondissement de Melun, 233 ouvriers : 2530 journées.
  • Arrondissement de Fontainebleau, 2785 ouvriers : 45 940 journées
  • Arrondissement de Meaux, 46 ouvriers : 666 journées
  • Arrondissement de Provins, 36 ouvriers : 385 journées
  • soit pour 3 100 ouvriers : 49 521 journées de chômages

Quant aux sommes estimées nécessaires pour venir en aide aux nécessiteux et qui se trouvaient comprises dans la somme globale de 3 900 222 F, le préfet les évaluait à un million environ.

Elle se décomposaient ainsi pour les arrondissements de : Melun, 220.000 F; Fontainebleau, 500.000 F; Meaux, 39.000 F; Provins, 200.000 F. La ville de Melun était portée à elle seule pour 150.000 F

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Au milieu des malheurs qui accablaient notre département, il y a eu un spectacle consolant : celui de l'empressement avec lequel chacun fit son devoir, et souvent plus que son devoir. Les autorités, la troupe, les sapeurs-pompiers, de nombreux civils se dévouèrent pour venir en aide à ceux qui étaient en danger, et pour tâcher d'atténuer les ravages du fléau. De tous côtés des souscriptions furent ouvertes, des dons offerts, témoignages des sentiments de solidarité et de générosité qui animaient nos compatriotes. Toutes les divergences d'opinions, toutes les rancunes furent oubliées devant le malheur; tous se rencontrèrent pour aider ceux qui étaient dans la souffrance.
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Extrait de l'Almanach Historique de Seine et Marne, 1911 - Retrouvé par Manfred
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D'autres photos : Paris Inondé, 1910 - Photographe: Pierre Petit. Cliquez sur l'image pour vous y rendre.  
Quelques années plus tard ...
Une photo prise lors des inondations de 76 ou 77. Vous pourrez retrouver facilement ce lieu : sortie fontaine le port vers Héricy